18 décembre 2005

Paysage musical guinéen

Je me sens revivre depuis que j’ai rencontré la troupe de Buba et sa famille, un ballet dans la plus pure tradition guinéenne. Percussionnistes et danseurs, ils perpétuent leurs chants et danses traditionnels baga, malinké, soussou, guerzé (forestiers)...

La troupe s’appelle « l’Oiseau blanc de Guinée ». Quelle claque j’ai pris quand j’ai assisté pour la première fois à leur répétition dans ce hangar sombre de la commune de Matoto. Les plus jeunes doivent avoir 6 ans et se déchaînent comme des petits diables ! Jeanne, la chorégraphe qui dirige le ballet, sort un sein bien gonflé et le fourre dans la bouche de son dernier-né tout en entonnant un chant puissant et aigü pour guider les danseurs. ça part dans tous les sens, les danseurs tapent et les djembés dansent, je ne sais plus où donner de la tête et des oreilles. Les garçons aux tout petits bras avec que du muscle sur l’os font des acrobaties à même le sol en béton. Les jeunes filles répètent en soutif et le popotin part tout seul. Jeanne a rangé son sein, le bébé sur la hanche elle frappe maintenant frénétiquement sur les dunduns.

L'Oiseau Blanc en répétition à la commune de Matoto


J'ai commencé les cours de djembé la semaine dernière. Buba m'a fabriqué mon instrument en trois jours et j'ai commencé à apprendre. Chaque mardi et vendredi midi je quitte le dispensaire et je traverse Matoto à pied sous la cagna avec mon instrument sur le dos. C'est sûr je ne passe pas inaperçue : « Hé, blanc, porto, foté ! Tan-kouna ! »

Arrivée dans la concession de la famille de Buba : frères, sœurs, cousins, amis, locataires, ce joli melting-pot de soussous, sierra-léonais, malinkés, bagas, peuls cohabitent dans la même cour.
Je retouve Jeanne au dessus d'une marmite de riz. Les enfants rentrent de l’école.

La chambre de Buba est tout au fond. Je partage un plat de riz avec lui, puis on se met en place. J’ai toujours deux ou trois accompagnateurs au dundun ou kenkeni : le cours de percu le plus luxueux que j'aie jamais eu.
Je progresse sur un kassa malinké où je découvre que je peux tirer différents sons de mes doigts, au prix de quelques hématomes.

Lundi, ils m’ont emmenée à une de leurs représentations, en ville - j’ai compris ensuite que c’était en l’honneur du Président le général Lansana Conté, en pleine campagne électorale.
Une association avait organisé ce rassemblement d'artistes : des anciens musiciens sénégalais de Youssou n’Dour, chanteurs et chanteuses aux belles voix aigües et éraillées, griot et sa cora se sont succédés avant de laisser la place à nos danseurs en costume baga.

Dans un autre style, je dois aussi vous parler de la chorale de la paroisse de quartier. Je m'y rend quelques fois avec véro. Des chants en langues s’y mêlent au chants grégoriens en latin, sauce africaine - amusant - ponctuées de percus locales : j'ai du mal à me tenir dignement. Ma présence de "renégate" ne les gène pas le moins du monde, au contraire, ils sont ravis

Tout cela nous promet de jolies fêtes de Noël hautes en couleur !

EmilyConakry