03 février 2006

Cicatrices

Retour à la maison des expats après une dure journée au dispensaire.
Flo, médecin-chef, déboule révoltée dans le séjour. Ce matin, un jeune couple a amené une fillette de 4 ans, tout juste décédée. "ça n'arrive pas en un jour" dit Flo, furieuse : l'enfant était dans un état sévère de malnutrition. Les parents avaient été d'hôpital en hôpital, mais dans ce pays de corruption, non seulement on rackette les malades, mais en plus on ne les soigne pas. Quand ils sont arrivés au dispensaire, il était trop tard.
"Quand je dois référer à l'hôpital, je sais que je les envoie à la mort". Ses yeux se mouillent. "On ferait aussi bien d'essayer de les soigner avec les moyens du bord".

Arrivée dans le salon de Binta, notre amie couturière, le dernier-né au dos, suivie de sa fille Rahma et d'une autre gamine. On apprend que celle-ci a 14 ans, qu'elle arrive du village, où elle vient de perdre sa maman, pour se marier avec un homme de... 50 ans. La gamine a le corps à peine formé. Elle est venue avec une copine, 13 ans, mariée aussi. Je n'ose pas imaginer ce qui se passe dans sa tête. Voilà comment elle commence sa vie de jeune fille, déracinée, orpheline, sans maman et sans sa famille près d'elle, mariée à un vieil étranger.

Après leur départ, la conversation continue sur la condition de la femme. Edith, sage-femme en chef de la maternité : "Elles sont toutes excisées. Même le personnel du dispensaire. Quand elles viennent accoucher, tout remonte à la surface. ça fait des déchirures au niveau de la cicatrice et je suis souvent obligée de recoudre."

Ce soir mes sentiments sont confus et je ne peux plus vous faire la jolie carte postale de notre week-end en pays Baga. Oui, il y avait les magnifiques paysages vert vif des rizières, les sourires des habitants chaleureux de Kataco, mais il y a aussi des enfants aux visages graves et aux habits déchirés, se nourrissant dans les restes de riz du visiteur blanc, des malades abandonnés, faute de soins et d'argent pour les amener à la ville.

C'est ce que m'a inspiré l'Afrique : Beauté et violence. Violence et beauté.

EmilyConakry

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