29 octobre 2008

Sensibilisation Palu, Sida, Choléra...

Lors de ma mission au Dispensaire St-Gabriel de Matoto à Conakry j'ai réalisé 5 boîtes à Images sur les thèmes suivants : Paludisme, Parasites intestinaux, Nutrition infantile, SIDA, Brulûres.
Ces boîtes à Images illustrent les causeries de sensibilisation faites par les agents de santé du dispensaire pour des patients souvent illettrés et originaires de villages reculés.

“Le SIDA ne s’attrape pas par…”











2 planches de la boîte à images "Paludisme"
© Emily Soumah


Sida : disponible en français et en anglais
Paludisme : français
Nutrition : français
Parasites intestinaux : français
Brulûres : français

Si vous êtes intéressé(e) par ces boites à images, contactez moi : emilysoumah@gmail.com

02 juin 2008

Merci, Tiken.

free music


On en parle peu... mais l'excision existe toujours bel et bien en Afrique. Pour preuve cette chanson sur le dernier Album de Tiken Jah Fakoly, "L'Africain".

Vous aussi, publiez, bloggez, diffusez cette chanson partout, faites que cesse ce cauchemar pour les petites filles et les femmes d'Afrique.

Lien : (code à copier en haut à droite du site Deezer)

http://www.deezer.com/track/189830

12 février 2006

Avec Binta

11 heures, j’ai fini mon petit-dèj sur la terrasse où il fait bon les matins, en cette saison où l'Harmattan souffle l’air sec du désert, frais la nuit, brûlant le jour.
Binta a "commissionné" son fils Papa pour venir me chercher. On a programmé une journée entre copines : le marché de Madina puis une visite chez la maman.

J’arrive à la concession, dans ce coin peul de notre quartier de Bambeto. Binta prépare le riz du jour avec Mariama. Elle me présente sa co-épouse qui donne le sein au dernier. Je m’asseois sur un petit tabouret sous le manguier. Sur la terrasse la vieille tanti toute fripée dort dans le hamac. Plus loin en contrebas, une autre tambouille chauffe sur un foyer émergeant des cailloux autour duquel une demi-douzaine de femmes en boubou s’affairent. Deux d’entre elles s’attaquent alors à touiller en rythme dans la grosse marmite fumante. Parmi toute cette vie grouillante je reconnais furtivement le dernier de Binta, Amadou-Philippe ainsi qu’Aissatou et Sophie. Je me réjouis de cette journée qui s’annonce douce et agréable.

Le repas est prêt : riz soupe poisson. Les guinéens mangent le riz tous les jours, à chaque repas, parfois même le matin. Seule variante, la sauce qui l’accomode. Très souvent composée de poisson fumé, d’huile rouge (de palme), de piment, d’arachide, de feuilles de manioc, et, lors des jours de grosse galère, de « sumbara », une graine qui sent une odeur insoutenable de chaussette quand on la fait griller mais donne qui au riz un petit goût de viande salée.

Binta m’installe seule dans sa chambre avec ma petite casserole de riz-sauce, pendant qu’elle va manger à côté avec les enfants. Je proteste vivement mais c’est un honneur pour eux que l’invité blanc mange tranquillement avec sa cuiller et surtout pas au milieu des enfants qui mangent avec les doigts.
Bien qu’assez grande, sa maison est un taudis comme on en voit beaucoup ici : murs et plafonds défoncés où courent les rats, literies cassées. J’entends des souris cavaler derrière moi.

Départ pour Madina : Binta a mis Amadou-Philippe au dos, la co-épouse vient aussi, on s’entasse tous dans un magbana. Je prends une des petites sur mes genoux, ses tresses me chatouillent les narines. « On’dyarama !» Très vite la conversation s’engage, en puular.
20 minutes de traversée poussiéreuse de Conakry plus tard, la petite s’est endormie sur mes genoux. On est arrivées au cœur du fameux marché de Madina, où l’on de trouve de tout et où je vais chercher du tissu bazin.

La panique me prend toujours quand j’entre dans les marchés d'ici : des espaces confinés ressemblant à des souks sombres au sol caillouteux très accidenté, des échoppes en échafaudages de bois branlants où les tanties font la sieste sur leur tas de tissus en attendant le client, des passages étroits, il faut regarder partout pour ne pas se casser la figure, et en même temps regarder la marchandise. Un monde fou s’entasse et se croise, on ne s’arrête pas, même s’il faut allégrement pousser son voisin. Des vendeurs ambulants viennent s’ajouter à tout ce monde : « yéé glacée ! » (eau en sachets) et les commerçants m’accostent incessamment à chaque échoppe « foté, porto !* » Claustrophobes s’abstenir...
Je choisis quelques pagnes de tissu bazin et de tissu bariolé Wax made in Holland et sans m’en rendre compte les quelques dizaines de miliers de francs guinéens que j’avais sur moi sont partis. Il me reste juste assez pour aller chez la maman de Binta puis rentrer.

Arrivée à Kenien, autre quartier juste à coté de Madina. Comme pour beaucoup de quartiers ici à Conakry, dès qu’on quitte un peu la route, on se croirait presque en brousse. C’est de la terre battue partout, des arbres, des poules, des marigots, des mioches partout, cela tient plus de la vie de village que de la capitale. Ça grimpe un peu, l’espace s’agrandit entre les habitations, surgit le marché du quartier. Binta me montre l’atelier où elle a appris la couture. Tout à coup une joyeuse nuée de gosses en uniforme beige nous envahit : c’est la sortie des classes.
Quelques caillasses et ruelles plus tard, on arrive dans la concession d’enfance de Binta. La vieille maman est là, elle a la santé, elle est accroupie et prépare le riz. Elle est tellement heureuse de la visite, me sort le fauteuil où je dois vite m’asseoir. Beaucoup de On’dyaramas, qui veut dire à la fois bonjour, au revoir et merci en puular. Comme d’habitude, c’est un bidonville infâme, taules rouillées, fils de fer, pneux entremêlés, chiens galeux… mais tellement gai et paisible que je me sens tout de suite bien, assise là au milieu. Trois gamines belles comme tout viennent s’asseoir à côté de moi, tout sourires.

Tandis que Binta et moi comparons les habitudes de couple de Guinée et d’Europe, la maman s’inquiète de ce que je vais manger. Arrive alors un plat de riz sauce feuille très onctueux. Binta m’explique que sa maman est une très bonne cuisinière et qu’elle refuse encore jusqu’à maintenant un plat cuisiné par quelqu’un d’autre. Binta me présente son plus jeune frère, 6 ans, que son papa a eu avant de mourir à 80 ans. Malgré mes diplomatiques tentatives de refus je dois engouffrer un quantité invraisemblable de riz, on me ressert continuellement, je n’en vois pas la fin. J’ai bien du avaler au moins trois grosses assiettes !
Comme souvent je suis un peu frustrée de ne pouvoir communiquer davantage mais ma seule présence semble enchanter mes hôtes et je suis reçue partout avec la même gentillesse.
On se pose régulièrement la question ici, de la sincérité des sentiments des africains à notre égard. Bien sûr il y a toujours les demandes d’argent ou même la simple fierté de se promener avec une « foté » à ses côtés. Mais, au risque de me faire des illusions ou de paraître un brin naïve, je continue à croire en leur amitié et leur générosité.

Retour en taxi-déplacement, entassés à 7 comme d’habitude. Tout l’aménagement intérieur de la voiture est parti, il ne reste plus que la vieille carcasse et on voit la route par des trous dans le sol, mais il y a quand même une bonne sono pour écouter le reggae. Le chauffeur a couvert le tableau de bord d’une vieille tapisserie, un chapelet pend au rétroviseur. Il redémarre le moteur à chaque arrêt et je me demande comment on va arriver jusqu’à Bambeto.

Bref, ce fut une belle journée guinéenne, bon enfant.
Comme on dit ici : « c’était doux ! »

EmilyConakry

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* "Foté" : Blanc, en soussou. "Porto" en puular, "toubabou" en malinké.

03 février 2006

Cicatrices

Retour à la maison des expats après une dure journée au dispensaire.
Flo, médecin-chef, déboule révoltée dans le séjour. Ce matin, un jeune couple a amené une fillette de 4 ans, tout juste décédée. "ça n'arrive pas en un jour" dit Flo, furieuse : l'enfant était dans un état sévère de malnutrition. Les parents avaient été d'hôpital en hôpital, mais dans ce pays de corruption, non seulement on rackette les malades, mais en plus on ne les soigne pas. Quand ils sont arrivés au dispensaire, il était trop tard.
"Quand je dois référer à l'hôpital, je sais que je les envoie à la mort". Ses yeux se mouillent. "On ferait aussi bien d'essayer de les soigner avec les moyens du bord".

Arrivée dans le salon de Binta, notre amie couturière, le dernier-né au dos, suivie de sa fille Rahma et d'une autre gamine. On apprend que celle-ci a 14 ans, qu'elle arrive du village, où elle vient de perdre sa maman, pour se marier avec un homme de... 50 ans. La gamine a le corps à peine formé. Elle est venue avec une copine, 13 ans, mariée aussi. Je n'ose pas imaginer ce qui se passe dans sa tête. Voilà comment elle commence sa vie de jeune fille, déracinée, orpheline, sans maman et sans sa famille près d'elle, mariée à un vieil étranger.

Après leur départ, la conversation continue sur la condition de la femme. Edith, sage-femme en chef de la maternité : "Elles sont toutes excisées. Même le personnel du dispensaire. Quand elles viennent accoucher, tout remonte à la surface. ça fait des déchirures au niveau de la cicatrice et je suis souvent obligée de recoudre."

Ce soir mes sentiments sont confus et je ne peux plus vous faire la jolie carte postale de notre week-end en pays Baga. Oui, il y avait les magnifiques paysages vert vif des rizières, les sourires des habitants chaleureux de Kataco, mais il y a aussi des enfants aux visages graves et aux habits déchirés, se nourrissant dans les restes de riz du visiteur blanc, des malades abandonnés, faute de soins et d'argent pour les amener à la ville.

C'est ce que m'a inspiré l'Afrique : Beauté et violence. Violence et beauté.

EmilyConakry

14 janvier 2006

Journée-type

6h du matin, le réveil sonne.
7h, petit-déjeuner continental (baguette, beurre salé) en communauté.
7h30. On grimpe tous dans le pick-up pour une traversée du Conakry matinal : rond-point de Bambeto, on accélère devant les flics. Des chiens faméliques sur le terre-plein central, les gosses en uniforme beige qui s’entassent dans les transports, toilettes et brossages de dents au bord de la route, à côté de la boucherie qui ouvre et vient de pendre une demi-chèvre sanguinolante en devanture. Ça grouille et ça klaxonne dans tous les sens, des vieilles "tantis" se prennent les pieds dans leurs pagnes en traversant.

Carrefour de Cosah : après le marché aux bestiaux, on passe les rails reconvertis en voie piétonnière, il y a déjà beaucoup de monde avec toutes sortes de choses sur la tête. Là, on a un beau point de vue : lever de soleil sur la mangrove, quand on arrive à y voir à travers le nuage de poussière. Rond-point Tanerie, marché Tanéné, ou le « marché qui pue », c’est le marché de la forêt : monceaux de bananes, ballots de palmes, le tout posé sur un véritable tas d’immondices en putréfaction. On peut aussi y trouver pattes de singes et autres boas.

Matoto, 8h : arrivée au dispensaire. Déjà une longue grappe de vendeuses à l’entrée, petits-déjeuners sur un banc : riz-sauce poisson. On fait la grimaçe. Le gardien nous ouvre. Longues salutations à tous les membres du personnel, et la santé, et la famille, on t’as pas vu, t’étais où, etc. La cour est déjà pleine de malades qui patientent. Encore des enfants brûlés, je me demandent comment ils restent aussi sages avec de telles plaies. La journée à Saint-Gabriel commence après la prière. Moi, je vaque à mes occupations diverses et variées : collages, peinture, scie sauteuse, perceuse, dessin, pesage de bébés, aide aux patients perdus dans mon soussou approximatif, mises en page sur word (;:%**??!!!!), visite au vieux peul Barry - fournitures de bureau au coin.

13h. départ du dispenaire sous la cagna pour le marché de Matoto : on y trouve de tout, matériel de bricolage, bois, bâches, photocopies, pagnes en wax, frappeurs de bazin, tongs…..
Direction chez Buba et Jeanne où on m’offre le riz du jour.

14h30. Toute la troupe de l'"Oiseau Blanc" grimpe dans le magbana pour aller à la salle de répète où je tape le djembé parmi eux (ou je danse, ça dépend des jours, mais dans les deux cas, j’y laisse quelques litres de sueur).

17h30 : J’achète 3 oranges pré-pelées (malaxer, sucer le jus par un trou, cracher les pépins) avant de monter dans le taxi qui me dépose au rond-point aéroport. Puis autre taxi direction Bambeto : on est entassés et on fait connaissance, on reconnait le chauffeur, comme celui qui a décrété qu’il est mon mari : « monte, chérie, y’a de la place ».

« Chauffeur, ça descend, Coco-buni » : je suis arrivée. Il n’y a pas loin jusqu’au portail mais ça peut prendre un certain temps : saluer la voisine peul « On’dyarama » et faire des sourires au petit Saliou, se faire attraper au passage par Binta qui m’a repérée de son atelier, saluer comme il se doit Mamadi, notre gardien malinké.
Entre-temps les filles sont rentrées du dispensaire et finissent le repas du midi-de-cinq-heures. Drôle de rythme…

Le soir, je replonge dans notre havre occidental (pâtes-dvd-chocolat) mais pas pour longtemps : je préfère terminer la soirée dans le quartier, souvent avec Binta et ses filles, qui ne manquent pas de me faire goûter à toutes les spécialités locales que l’on trouve sur le bord de la route (je renforce mon système immunitaire).

Awa, won tina, Ooô ! *

EmilyConakry


En soussou :
*Allez, à demain, salut !

09 janvier 2006

Cliché de Koloma

Je n'étais jamais remontée là, en haut de notre rue.
Tout un quartier, ou plutôt un village y est perché sur du caillou, loin de la route, loin de tout. Ici, en plein Conakry.
Après avoir gravi ce roc, on se retrouve sur un grand dégagement de terre. D'un coté, une école et ses petits élèves en uniforme beige. De l'autre, des tapis posés pour la prière sous un grand manguier. Après un dédale de petites rues, voilà enfin le marché. Un cinéma : on a affiché la jaquette de 3 cassettes vidéo sur un panneau en bois, quelques chaises, et les heures de diffusion (Bruce Lee, Schwarzenegger…).

Un petit filet d’eau descend en escalier au milieu de cailloux et d’une montagne de détritus. Par paliers, de petits marigots verdâtres se forment, une nuée de moustiques posés dessus. Marche suivante : un bébé sur son pot, la maman fait la lessive à côté. En face, les poules picorent à côté d’une vendeuse d’ « amuse-gueules » (petits poissons séchés).

C’est le quartier des « ninjas » : des femmes entièrement couvertes de noir, gants, chaussettes et petit voile noir recouvrant entièrement le visage. J’ai un frisson chaque fois que je les vois : elles me rapellent les chevaliers de la mort de Tolkien.

EmilyConakry

18 décembre 2005

Paysage musical guinéen

Je me sens revivre depuis que j’ai rencontré la troupe de Buba et sa famille, un ballet dans la plus pure tradition guinéenne. Percussionnistes et danseurs, ils perpétuent leurs chants et danses traditionnels baga, malinké, soussou, guerzé (forestiers)...

La troupe s’appelle « l’Oiseau blanc de Guinée ». Quelle claque j’ai pris quand j’ai assisté pour la première fois à leur répétition dans ce hangar sombre de la commune de Matoto. Les plus jeunes doivent avoir 6 ans et se déchaînent comme des petits diables ! Jeanne, la chorégraphe qui dirige le ballet, sort un sein bien gonflé et le fourre dans la bouche de son dernier-né tout en entonnant un chant puissant et aigü pour guider les danseurs. ça part dans tous les sens, les danseurs tapent et les djembés dansent, je ne sais plus où donner de la tête et des oreilles. Les garçons aux tout petits bras avec que du muscle sur l’os font des acrobaties à même le sol en béton. Les jeunes filles répètent en soutif et le popotin part tout seul. Jeanne a rangé son sein, le bébé sur la hanche elle frappe maintenant frénétiquement sur les dunduns.

L'Oiseau Blanc en répétition à la commune de Matoto


J'ai commencé les cours de djembé la semaine dernière. Buba m'a fabriqué mon instrument en trois jours et j'ai commencé à apprendre. Chaque mardi et vendredi midi je quitte le dispensaire et je traverse Matoto à pied sous la cagna avec mon instrument sur le dos. C'est sûr je ne passe pas inaperçue : « Hé, blanc, porto, foté ! Tan-kouna ! »

Arrivée dans la concession de la famille de Buba : frères, sœurs, cousins, amis, locataires, ce joli melting-pot de soussous, sierra-léonais, malinkés, bagas, peuls cohabitent dans la même cour.
Je retouve Jeanne au dessus d'une marmite de riz. Les enfants rentrent de l’école.

La chambre de Buba est tout au fond. Je partage un plat de riz avec lui, puis on se met en place. J’ai toujours deux ou trois accompagnateurs au dundun ou kenkeni : le cours de percu le plus luxueux que j'aie jamais eu.
Je progresse sur un kassa malinké où je découvre que je peux tirer différents sons de mes doigts, au prix de quelques hématomes.

Lundi, ils m’ont emmenée à une de leurs représentations, en ville - j’ai compris ensuite que c’était en l’honneur du Président le général Lansana Conté, en pleine campagne électorale.
Une association avait organisé ce rassemblement d'artistes : des anciens musiciens sénégalais de Youssou n’Dour, chanteurs et chanteuses aux belles voix aigües et éraillées, griot et sa cora se sont succédés avant de laisser la place à nos danseurs en costume baga.

Dans un autre style, je dois aussi vous parler de la chorale de la paroisse de quartier. Je m'y rend quelques fois avec véro. Des chants en langues s’y mêlent au chants grégoriens en latin, sauce africaine - amusant - ponctuées de percus locales : j'ai du mal à me tenir dignement. Ma présence de "renégate" ne les gène pas le moins du monde, au contraire, ils sont ravis

Tout cela nous promet de jolies fêtes de Noël hautes en couleur !

EmilyConakry